Les amours d’une vie – 2ème partie

26 février 2016

Confidences d’un gynécologue à une femme en désir d’enfant et son homme – 2ème partie

26 février 2016

Confidences d’un gynécologue à une femme en désir d’enfant et son homme

26 février 2016
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Végétal poussant dans le désert
Végétal poussant dans le désert

Assise en face de moi, votre homme à côté de vous, vous venez de prononcer cette phrase : « Voilà docteur, nous voulons avoir un enfant et il ne vient pas ! »

Votre voix est presque assurée, mais un petit rien dans l’intonation, dans le souffle un peu court, dans votre corps un peu tendu, dit déjà la gravité de ce qui se trame derrière ces mots en apparence si simples et pourtant si lourds puisque vous avez dû prendre tout votre élan pour les dire.
Vos yeux cherchent parfois les miens ou les évitent selon l’instant. Les miens font de même d’ailleurs. Il me vient en vous regardant : « Comme vous voulez paraître assurée alors que cela tressaille tellement au fond de vous ! »
Dans un moment, la prochaine fois peut-être, au détour d’un mot, les larmes vont monter de votre cœur jusqu’à vos yeux, déborder comme un trop plein qui se vide, comme un barrage qui cède enfin sous la pression. Une main viendra se poser sur la vôtre, celle de votre homme assis à côté de vous. Il entend votre détresse qui est aussi la sienne, et il a trouvé ce geste pour vous redonner un peu de ce courage qui s’épuise.

Et puis nous allons parler de la date des règles, du temps passé depuis l’arrêt de votre contraception, des spermatozoïdes, des trompes, de votre âge aussi, que sais-je, de tout ce qui concerne en apparence cette infertilité.

Mais quand parlerons-nous de ce qui embrume vos yeux, quand parlerons-nous de ce qui vous a fait venir tous les deux jusqu’à moi, de la douleur de ne pas parvenir à être enceinte, de cette douloureuse absence si présente ? Comme le dit Cabrel dans une de ses chansons : « les gens absents ont cela d’ennuyeux, c’est qu’ils tournent toujours devant vos yeux »… ou dans le cœur…

J’aimerais vous jurer que vous allez être enceinte, que la grossesse va venir, vous promettre qu’enfin vous l’aurez dans les bras cet enfant tant attendu, que vous pourrez lui dire tous vos mots d’amour puisque c’est bien aimer dont il s’agit !

Oui, devant ce que vous me demandez, je tressaille un peu moi aussi.
Je voudrais vous assurer que nous allons trouver la solution, je le crois d’ailleurs, et je me dis en mon fort intérieur que je vais faire tout ce que je peux. Mais que je n’ai pas la certitude absolue d’aboutir sous la forme que vous souhaitez et la suite dépend plus de vous que de moi.

Nous parlerons aussi d’espoir, de chance, mais aussi d’obstacles, de difficultés, d’impossibilités parfois ! Décidément comme vous je n’aime pas ce terme, il sent la défaite qui va nous séparer, me laissant seul avec ma médecine parfois impuissante, et vous, seule avec votre désarroi.

Et puis pour être bien franc je n’y crois pas, je n’y crois plus à ce mot « impossibilité ». C’est un mot pour ceux qui baissent les bras, pour ceux qui ne croient plus en la vie, mais la vie est bien plus vaste que ce « petit bout », cet enfant que vous espérez tant.
Ce que je crois, ce que je sais, c’est que la femme sait construire la vie, pour la porter, la protéger bien plus que l’homme.
Alors comment pourriez-vous ne pas trembler si cette promesse déposée au plus profond refusait de s’accomplir malgré vos efforts, malgré nos efforts ? Comment ne pas trembler devant ce médecin que je suis, qui semble si peu comprendre l’immense champ de bataille qui règne à l’intérieur de vous et qui vous fait trembler si fort, jusqu’aux larmes parfois ?
Bien sûr la technique peut beaucoup pour vous, c’est vrai, mais elle ne peut pas tout. Elle va parfois remettre de l’ordre dans une ovulation épisodique, favoriser la rencontre des gamètes qui ne se faisait pas, et ainsi si l’enfant s’annonce, transformer ces larmes qui menaçaient de déborder de vos yeux, en joie qui inonde bien plus loin tout autour.

Mais si elle ne peut rien, si l’enfant se dérobe, que va-t-il advenir de vous ?

[A suivre…]

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