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L’âme et conscience – 4 – La conscience

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Si vous avez traversé l’épreuve de lire l’article précédent à propos de l’âme, vous êtes maintenant prêt pour la suite, puisque vous savez écouter depuis le cœur ! Sinon vous auriez abandonné  et ne seriez pas en train de lire ces lignes…!
« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Tout est dit avec ce conseil de St Exupéry, qu’il est bon de se rappeler tant vous que moi, afin  de continuer à lire et mieux comprendre ce qui suit.

Pourquoi rajouter « conscience » au mot âme ?

La conscience au cours d’une vie, peut être vue comme le mouvement continu qui révèle l’âme au psychisme, mais aussi le mouvement de l’âme vers la matière. Il s’agit donc d’un processus dynamique qui a un passé, un présent et toujours un avenir. Nous avons la responsabilité courageuse et délicate de développer notre “âme et conscience” au cours de notre existence.
Ce processus se traduit par la perception croissante au fil du temps, de cette âme qui se dévoile, s’intègre progressivement au fonctionnement psychique et se manifeste par un comportement de plus en plus adéquat… et joyeux. C’est donc avant tout une expérience croissante qui n’a pas de fin, sinon nous serions la complétude toute entière.

Comme nous allons le voir, c’est la plus souvent à mi-chemin de l’existence, que l’âme doit trouver sa place en lien avec l’esprit, pour que notre être fonctionne harmonieusement. Ce n’est que grâce à cette étroite collaboration entre ces deux composantes de notre vie intérieure, que notre existence peut être pleinement vécue.
En effet, cette collaboration nous permet de nous relier à cette plénitude qui était au cœur de l’expérience de la vie utérine. Certes, elle avait été voilée après la naissance, mais renouer avec elle nous remet en contact avec l’essentiel de nous.
La conscience, dont beaucoup disent qu’elle est très complexe à définir, peut être alors perçue comme un retour conscient de l’âme à sa place essentielle à l’intérieur de nous; notre conscience nous permettant alors d’identifier notre âme, d’y accéder et de disposer des informations qu’elle nous communique, sans la confondre avec le psychisme.

Dans la vie intra-utérine, il serait inexact de dire que l’enfant est orienté à la complétude puisqu’il n’en est pas séparé mais baigne dedans. C’est comme si tout son être, (au lieu d’être focalisé comme nous le sommes dans un espace physique – notre corps – et un espace psychique – notre esprit) était dé-focalisé, et que toutes ses cellules étaient unies à l’ensemble du monde qui l’entoure, au corps de sa mère et à travers elle, à l’univers. Pour tenter de mieux comprendre, je vais donner une image : grâce à une lentille convergente la lumière peut se focaliser en un point, et grâce à une lentille divergente elle peut se dé-focaliser.

Cette expérience de dé-focalisation de l’être était d’ailleurs connue du temps de Freud sous le nom de « sentiment océanique ». Pourquoi « océanique » ? Parce que c’est le sentiment d’être une goutte d’eau intimement unie  à l’ensemble de l’eau de cet océan infini.  Ce sentiment est une réminiscence de notre expérience de vie intra-utérine.

La séparation de la naissance
Au moment de la sortie de ce « bain dans la complétude », l’enfant subit une première étape de focalisation qui le fait se retrouver dans un corps, à l’image du dormeur qui sort de ses rêves et se retrouve focalisé et conscient d’être dans son corps.  Cette fois, il est non seulement séparé de la complétude, mais bien évidement du support dans lequel il l’a vécue : le corps et l’âme de sa maman. Pour survivre à ce choc de la naissance, il est obligé de s’orienter vers l’amour, même si cet amour est imparfait, car personne ne survit à l’absence d’amour. C’est naturellement vers sa mère bien humaine qu’il se tourne, puisque c’est elle qui a été porteuse de son expérience précédente.

Juste après la naissance, l’expérience de la vie intra-utérine est encore toute proche, et l’âme occupe une place capitale dans la vie intérieure de l’enfant, même si son psychisme vient d’être activé, comme on l’a  vu précédemment.
Cependant, quand l’enfant baigne dans la complétude, il n’a pas le recul de penser « Je suis en train de vivre ça  ». Il ne sait pas qu’il vit cette expérience de vie intra-utérine, celle ci est donc passive, en ce sens qu’au stade de développement de cet être, il ne lui est pas possible de différencier l’expérience elle-même de celui qui la vit, autrement dit, d’en être conscient. Ce qui ne sera plus vrai par la suite.

La vie est alors perçue comme l’aventure de l’émergence de la conscience, initiée à la naissance par la séparation d’avec la complétude.
Je peux donner une analogie pour une meilleure compréhension :
Pendant nos rêves, (en dehors des rares rêves lucides) nous vivons une expérience issue des images du rêve, mais nous ne savons pas que nous rêvons. C’est seulement au réveil que nous pouvons dire, dans la mesure où nous nous souvenons de ce rêve, «j’ai rêvé que…». Dans le rêve, nous baignons dans l’expérience, sans en avoir conscience, et seulement au réveil, nous pouvons mettre de la conscience sur ce que nous avons vécu.

La première étape de l’émergence de la conscience :
Le recul progressif de l’âme dans la vie intérieure et la prise de contrôle du comportement par le psychisme permettront de développer la conscience d’un soi différent  du monde extérieur.

Au cours de la petite enfance, puis de l’enfance à l’adolescence, l’âme semble se mettre à distance, car l’individu centre toute son énergie sur l’adaptation au monde extérieur et n’a pas encore le moyen de se libérer de sa dépendance aux besoins vitaux de l’existence terrestre liés au corps. Il y a donc conflit entre l’exigence de survie imposée par sa condition humaine, gérée par le psychisme, et le désespoir de ne plus avoir en référence ce trésor de l’expérience de complétude portée par l’âme.
Dans cette rencontre du bébé avec le monde extérieur, se joue pour lui un processus vital de compréhension et de contrôle du monde. Il va vivre des expériences, établir des hypothèses multiples qui l’aideront à trouver un comportement adapté afin de protéger sa vie.
Peu à peu, en vivant ces expériences, non seulement il saura disposer du monde extérieur avec une liberté croissante, mais il apprendra aussi à dissocier « l’expérience du soi » en découvrant qu’il y a quelqu’un, qui est lui, qui vit l’expérience.

Au cours des trois premiers âges de la vie, cette distance avec l’âme s’accentue par des pertes successives d’un des attributs de cette complétude.
Ces pertes ont lieu lors des différentes rencontres avec des aspects de la nature humaine, qui ne sont plus en écho avec l’expérience vécue dans la complétude : au lieu de la perfection, il rencontre l’imperfection. Au lieu de la vérité, le mensonge. Au lieu du plaisir, la honte. Enfin, au lieu d’une fusion amoureuse, la fin de l’espoir de faire cohabiter soi et l’autre, dans un idéal de fusion.

Face à ces différents changements, lui paraissant à ce stade irréparables, l’instinct de survie impliquera une recherche de solution, obligeant l’adolescent à s’éloigner davantage de son expérience de complétude. Cet éloignement sera plus ou moins marqué selon les circonstances de l’accompagnement de la naissance et de l’éducation.
En effet, au fil du temps et des expériences personnelles successives dans un environnement globalement « sécure » ou « insécure » (Bowlby), trois attitudes intérieures différentes peuvent apparaître.
Soit la douleur de la perte de la complétude est si violente, qu’en réaction, l’être perd l’espoir de s’y rattacher un jour, et pour survivre se réfugie dans les valeurs du monde extérieur avec comme slogan : « la vie est un combat pour survivre et je mets tous mes moyens pour assurer mes propres intérêts, même au prix de la perte de la vérité, de la joie et de la relation bienveillante à l’autre, qui étaient pourtant mon trésor ». C’est la conception d’une vie matérialiste, générant les conséquences désastreuses que nous  constatons aujourd’hui.

Soit la douleur est un peu moins violente et l’être va survivre douloureusement dans le monde extérieur, mais garder une zone de repli au fond de lui, avec son trésor enfoui jusqu’à la fin de son existence. Il sépare alors ses aspirations intérieures profondes et les acquis de son existence qu’il a peur de perdre. Différentes peurs vont paralyser ses élans et finir par les museler. Il y a alors une douloureuse scission entre vie intérieure et vie extérieure, car le refus subconscient de s’accomplir dans sa vie désespère l’âme. Cette scission est à l’origine des dépressions, des pertes du goût de vivre et des rancœurs.

Soit enfin, l’être garde au fond de lui le repère de cette complétude vécue, et comprend, une fois maîtrisées les exigences de sa vie matérielle, que le but véritable de sa vie est de l’incarner.
Il prend conscience que cette complétude est précieuse et sa vie prend alors tout son  sens.

La deuxième étape
Elle correspond à l’expression de la vraie nature humaine donc à son plein épanouissement.
Dans la deuxième moitié de l’existence, l’être a la liberté de refaire une place de choix à l’âme, autrement dit, d’apprendre à voir avec le cœur. Il entre alors dans une deuxième phase de l’aventure de la conscience, celle qui conduit à la conscience de soi totalement unie au monde dans toutes ses manifestations visibles et invisibles. Cela n’implique aucunement qu’il ait perdu l’acquis précédent, celle de la conscience d’un soi distinct du monde extérieur. Bien au contraire, les deux vont cohabiter et produire une qualité spécifiquement humaine : la capacité à participer à la construction du monde dans lequel il vit.

Passer d’un vie gérée par le psychisme, à  une autre cogérée par l’âme et le psychisme n’est pas une mince affaire.
L’âme n’a aucun désir de prendre l’ascendant sur le psychisme, il ne s’agit pas pour elle de le mettre sous tutelle, elle sait trop bien qu’elle a besoin de lui.
Le psychisme au contraire a peur de perdre ce qu’il a acquis douloureusement. Il s’est construit sur la peur du manque, la satisfaction de ses besoins vitaux et il a beaucoup de mal à imaginer qu’il a tout à y gagner en partageant le pouvoir.
Alors, il résiste avec toutes ses peurs… Seulement le jour où il aura expérimenté ce qu’il gagne dans cette collaboration, il deviendra enthousiaste et regrettera d’être resté longtemps « debout sur les freins ». Il aura alors clairement conscience de la véritable complémentarité, sans trace de rivalité, de l’âme et de l’esprit.

Comment s’y prendre pour établir cette relation?  C’est tout simple : en toutes circonstances, au lieu d’agir  impulsivement, se poser la question en son « âme et conscience » et ensuite, adopter un comportement adapté grâce au psychisme.
Il est important d’observer avec lucidité et courage les effets de ce comportement afin de corriger le tir (manquer sa cible aiguise l’habileté de l’archer.)
Au fil des essais et des erreurs de discernement, la conscience se développera et l’âme parviendra de mieux en mieux à se faire entendre.
Il se produira alors un échange d’informations et de questionnements entre l’esprit et l’âme, le tout géré par la conscience, jusqu’à ce qu’il y ait une harmonisation des points de vue complémentaires. L’esprit transmettra alors la décision prise au corps, lequel l’exécutera du mieux qu’il peut dans l’instant présent.

C’est d’une très profonde réconciliation dont il s’agit, celle de notre individualité et de notre personnalité, promesse d’une vie pleine et passionnante.

7 comments

  1. Quelle clarté ! Quelle justesse ! En toute simplicité. En découle l’Espérance, la plus ouverte, la plus prometteuse qu’il soit possible dans le temps de notre passage ici.
    Que notre âme et notre conscience de plus en plus harmonisée s’unissent au souffle divin sur la vie.

  2. Quelle belle expérience de vivre en conscience! L’intelligence du coeur trouve sa place; le manque ontologique s’amenuise; enfin chacun peut s’accomplir en soi-même, avec les autres et la nature, ces trois niveaux de la vie spécifiques et complémentaires qui caractérisent notre incarnation.
    Merci Hugues.

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